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25/01/2016

"L'entrepreneurial" subvertit la condition humaine

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Hier à France Inter, Patricia Martin recevait le jeune sociologue Thibault Le Texier pour son livre Le maniement des hommes (La Découverte 2016) :


 

Thème du livre :

« Regardons autour de nous. À quoi ressemble notre monde, sinon à un continuum fonctionnel d’appareils, d’organisations et de managers ? La gestion, subrepticement, s’est immiscée partout. Ainsi manageons-nous aujourd’hui les entreprises et leurs salariés, certes, mais aussi les écoles, les hôpitaux, les villes, la nature, les enfants, les émotions, les désirs, etc. La rationalité managériale est devenue le sens commun de nos sociétés et le visage moderne du pouvoir : de moins en moins tributaire de la loi et du capital, le gouvernement des individus est toujours davantage une tâche d’optimisation, d’organisation, de rationalisation et de contrôle. Ce livre montre comment cette doctrine, forgée il y a cent ans par une poignée d’ingénieurs américains, a pu si rapidement conquérir les consciences, et comment l’entreprise a pris des mains de l’État et de la famille la plupart des tâches nécessaires à notre survie. »

 

Thibault Le Texier a développé cette analyse durant l'émission. Le management est né du taylorisme, qui visait à adapter l'homme à la machine. L'entreprise voit l'être humain comme un matériel jetable : l'identité de l'individu n'existe plus, seule compte son aptitude à servir la machine ; déjà la machine tend à remplacer l'individu. Et le management, habillé en « esprit entrepreneurial », déborde sur toute la vie sociale et se substitue aux fondamentaux de la condition humaine, jusqu'au niveau familial ; des structures humaines naturelles et gratuites sont sommées de se transformer en « entreprises » et de suivre des impératifs de rentabilité...

Si des « libéraux conservateurs » ont écouté le jeune sociologue à France Inter, ont-ils compris l'absurdité de leur posture ? Tenants du management et rabâchant depuis vingt ans que « l'adversaire c'est l'Etat », mais grands croisés des droits de la famille, ils ne voient pas que le management a envahi toute la vie sociale – et qu'ils servent ainsi le système (global) qui a provoqué à la fois le déclin de l'Etat et le déclin de la famille !

Prions pour qu'ils le comprennent. À Dieu rien d'impossible...

 

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Commentaires

BURNOUS

> Sous le manager, les sous-hommes ?
Regardez bien le fonctionnement de la plupart des entreprises aujourd’hui : le manager a en général un budget à tenir sur lequel il perçoit une prime en fonction de sa capacité à atteindre les objectifs. Lesquels objectifs consistent principalement, notamment en temps de crise, à réduire les coûts.
Et qu’est-ce qui coûte principalement ? Comme chacun sait, c’est ce salopard, cette crevure dénoncée par le Medef : le salarié en CDI.
Sous le manager, le « matériel jetable » dont vous parlez. Il ne mérite pas d’être considéré. Voyez donc comme il fait souffrir nos courageux employeurs. Demandez à Emmanuel Macron de vous parler de ces patrons victimes d’un humanisme déplacé à l’égard de leurs salariés, il vous tirera des larmes. L’homme doit être au service de l’entreprise, non l’inverse ! Révisons donc les contrats de travail : faisons du salarié ce « virable d’ajustement » dont rêve M. Gattaz !
Ainsi, dans le groupe de presse qui m’emploie (qui m’a racheté avec les meubles, il y a deux ans), cette évolution horrifique : le rédacteur en chef tend à devenir un « manager » qui gagnera d’autant mieux sa vie qu’il aura minimisé le recours aux pigistes ou aux CDD, en mettant une pression maximale sur les CDI en place ! Ce confrère, cette consœur avec qui vous rigoliez autrefois en conf’ de rédac’, maintenant, il ne cause pas, il mord !
N’allons pas chercher plus loin. Manager en 2016, ça se résume en quelques mots : faire suer le burnous jusqu’au burn-out !
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Écrit par : Denis / | 25/01/2016

EXCEPTIONS ?

> Je pense que les choses ne sont pas aussi nettes que semble le décrire le sociologue ( je n'ai pas lu le livre ni entendu l'émission ) , ni aussi nettes que dans votre commentaire . Il y a entreprise et entreprise , et manager et manager . Les entreprises et les managers à caractère humain existent . Beaucoup d'entreprises ont compris que leur capital le plus précieux est leur personnel . Malheureusement dans les médias , on ne parle le plus souvent que des autres .
Ce qui est gênant , c'est qu'on parle souvent de manager sans en donner une définition . Et si Mr Taylor & Co ont donné une certaine direction au management , ils ne sont pas les inventeurs de tous ces concepts : les sociétés antiques connaissaient déjà la direction , la gestion , le contrôle , etc , cf la société romaine , son organisation , son armée .
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Écrit par : BrunoK / | 25/01/2016

A MEDITER

> Merci de m'aider à mettre des mots sur le malaise grandissant que je ressens au fur et à mesure que je découvre le monde pourtant humainement si riche du travail social, par mes étudiants en BTS ESF (économie sociale et familiale). On ne peut rien faire (on dit mener une action) qui ne soit d'abord coulé dans le cadre méthodologique idoine, renvoyant explicitement à telles compétences du référentiel, rentrant dans le projet, écrit, de l'établissement (EHPAD, MECS, CCAS,...), respectant la charte,....Bref, toutes choses qui, si elles sont des outils opérationnels intéressants tant qu'elles restent non-obligatoires, deviennent dictature technocratique qui oppresse autant les acteurs du social que le public, et dresse entre les deux une forteresse administrative, dès qu'elles sont normatives.
Dans cette approche, l'important n'est plus ce qui se passe à l'occasion de l'échange entre la personne en demande et la personne aidante,ce qui va en ressortir, mais le compte-rendu.
On ne peut simplement plus meubler une salle d'attente par exemple sans devoir justifier la disposition des sièges, (ce que montre la couverture du livre).
Et plus on monte dans le niveau des études, (jusqu'à l'ingénierie sociale), plus le formatage me semble terrifiant.
Non que je sois contre toute méthode, mais par définition, la vie ne se mettant pas en boîte, ce qui correspond au profil d'une personne ou d'un groupe ne correspond pas nécessairement à un autre, que ce soit du côté des professionnels comme des publics concernés. Et d'un jour à l'autre non plus.
Je ne connais qu'une méthode universelle, qui est au fond une anti-méthode, en ce qu'elle est travail de la souplesse et non de la rigidité: c'est l'attention amoureuse au réel, ici et maintenant,attention-disposition qui permet de sentir de quoi ce moment unique est le kaïros. Alors, peut-être que ce que j'avais prévu, avec ma façon de m'organiser, qui m'est propre, (et il est bon de comprendre comment on fonctionne, pour se faire à son tour instrument docile à la vie), de travailler, ceci ou cela, comme ceci ou comme cela, est à laisser de côté pour m'ouvrir à la grâce du moment, par exemple l'arrivée impromptue d'un collègue. C'est souvent dans la mise en retrait de sa volonté ordonnatrice que se déploie une action d'une fécondité qui nous surprend, ce que l'épisode de la pêche miraculeuse nous enseigne. Suivre la volonté de Dieu passe d'abord par l'accueil de ce qui se donne à nous.
Enfin pour prolonger la réflexion sur ce maniement des hommes, les différentes définitions d'ingénierie sociale, trouvées dans wiki:
"Ingénierie sociale: (sciences sociales): une pratique d'action sociale visant à faire évoluer les formes d’action individuelle et collective dans une approche coopérative, démocratique et participative ;
Ingénierie sociale (science politique), une pratique visant à modifier à grande échelle certains comportements de groupes sociaux ;
Ingénierie sociale (sécurité de l'information), une pratique visant à obtenir par manipulation mentale une information confidentielle ;
Ingénierie sociale (psychologie), une pratique utilisant des techniques de manipulation psychologique afin d'aider ou nuire à autrui."
A méditer...
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Écrit par : Anne Josnin / | 25/01/2016

MANIEMENT

> J'apprécie le terme "maniement" pour traduire 'management': oublions l'entraînement enthousiaste à-la-suite-de-nos-supérieurs-bien-aimés, et recentrons cette pratique sur la gestion, voire la manipulation technocratique des hommes.
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Écrit par : Alex / | 26/01/2016

PROTÉGER LES SALARIÉS ?

> Bon. Face à l’esclavagisme rampant, le fait est que le rapport de Robert Badinter, remis hier à Manuel Valls et exposant en 61 articles les « principes essentiels » du code du travail, semble préserver effectivement « l’essentiel ». La preuve : la CFDT est contente ! « Ce rapport est plutôt positif », déclare au “Monde” son numéro un, Laurent Berger. Youpi !
Et donc, sur le papier, avec ces 61 articles censés figurer en préambule du nouveau code, le Medef paraît borduré.
Dans les faits, je crains que ces grands principes n’empêchent guère les patrons d’imposer le CDI ultraflexible et outil de dégraissage parfait dont ils rêvent, soutenus par le ministre Macron. Un contrat résiliable à l’envi et pour pas cher, en fonction des coups de mou de la conjoncture économique, un contrat qui ferait officiellement du salarié, dès son embauche, ce que j’appelle un « virable d’ajustement ». Une réforme concomittante des prud'hommes garantirait la bonne affaire au patron.
En outre, selon France 2 lundi soir, un autre projet de flexibilité, envisagé par le gouvernement, permettrait à un accord d’entreprise signé avec le patron par les représentants du personnel, voire au résultat d’un référendum soumis par par l’employeur à son personnel, de se substituer aux termes du contrat de travail signé par le salarié, et de lui interdire, au cas où il ne souscrirait pas audit accord d’entreprise ou verdict référendaire, le bénéfice du licenciement professionnel.
Bref, vu la flexibilité, précisément, de ce gouvernement « de gauche » sur ces questions sociales, et compte tenu des tendances managériales actuelles, on peut craindre que les articles rédigés par la mission Badinter ne suffisent pas à protéger les salariés de pratiques voire même de législations attentatoires tout à la fois à la dignité dans le travail (art. 2 des « principes » de M. Badinter), au respect de l’égalité dans l’entreprise (art. 4) et à la protection contre les discriminations dans la relation de travail (art. 5).
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Écrit par : Denis / | 26/01/2016

DU BLANC AU NOIR

> Tout n’est pas si noir : c’est plutôt gris avec diverses nuances !
Tirant vers le blanc, il y a toujours un peu partout de nombreux bénévoles dépensant leur temps tout à fait gratuitement.
Ou cela s’assombrit légèrement : Il est vrai que des structures associatives amenées à utiliser des budgets important sont obligée à observer une rigueur et donc un formalisme qui obligent à recourir à des professionnels, c’est le cas, par exemple, des associations diocésaines qui doivent gérer comptabilité, immobilier, assurances etc…avec du personnel spécialisé mais fort mal payé.
Le gris devient foncé quand les cadres règlementaires vont en se compliquant, et on rejoint la problématique des technostructures, et peut être aussi de celle de l'articulation entre le rôle de l'état et les libertés.
Administrations, collectivités locales, grandes entreprises, organisations patronales, syndicats de salariés, tous recherchent la sécurité de fonctionnement et la protection sociale et sanitaire de leurs membres. C’est le principe de précaution.
Et ça devient bien noir quand on constate qu’il n’y a pas que cela ! Leurs bureaucraties cherchent aussi à se pérenniser. Une commission, un bureau de normalisation, une assemblée un service informatique etc cherchent à se pérenniser et vont le faire en préparant normes, procédure, lois, règlement de plus en plus rationnel et contraignant, toujours "pour le bien du public" qui s’en plaint par ailleurs.
Le débat actuel sur le droit du travail est éclairant. Le droit actuel ne protège QUE le personnel des grandes entreprises ou de la fonction publique, les conseils juridiques spécialisés, et les bureaucraties syndicales tant il est compliqué voire contradictoire. Il ne protège pas les chômeurs que les artisans ne veulent pas embaucher pour s’éviter des ennuis. Certes une réforme doit rester protectrices des faibles, faut-il garder la complexité ?
Le code suisse ne compte, dit-on qu’une cinquantaine d’article. Y vit-on plus mal ?
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/01/2016

LE SENS DU MOT

> je suis franchement surpris par : "cette doctrine, forgée il y a cent ans par une poignée d’ingénieurs américains," J'ai toujours pensé que cette rationalité organisatrice était issue des grecs et du christianisme fondamentalement libérateurs.

S.


[ PP à S. - Vous ne parlez pas de la même chose que le sociologue. Ne gratifions pas de significations honorables (et anciennes) les réalités prédatrices (très récentes) que le pape condamne dans Laudato Si' et Evangelii Gaudium ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : stevenson / | 28/01/2016

FRANCHEMENT

> franchement je ne suis pas, je ne vois pas où se trouve la rupture entre l'esclavage ancien et le moderne. Et ce n'est pas parce que le pape condamne les pratiques actuelles ( à juste titre évidemment) qu'il s'est produit une modification existentielle dans la rationalisation prédatrice.
En d'autres terme la seule révolution est la révolution positive de l'amour, le reste franchement c'est de la théorisation. Ce n'est pas inutile d'ailleurs mais faut pas non plus en faire la découverte du siècle. Sachons raison garder !

S.


[ Ppà S. - Franchement, je ne comprends pas ce que vous voulez dire, ni en quoi cela contredirait notre propos. ]

réponse au commentaire

Écrit par : stevenson / | 28/01/2016

THIBAULT LE TEXIER

> Sur le site de Libé, une interview de l'auteur :
http://www.liberation.fr/debats/2016/01/29/thibault-le-texier-nous-sommes-si-impregnes-par-la-logique-de-l-entreprise-que-nous-l-appliquons-a-n_1429856
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Écrit par : Feld / | 01/02/2016

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